Le Yogi et l'arbre
- Florence Fitzgerald
- 4 juil.
- 2 min de lecture

Il y avait autrefois, dans une forêt reculée des contreforts himalayens, un yogi qui s'était retiré loin des hommes, loin du bruit du monde, pour se consacrer à sa Sādhana. Il s’était installé sous un grand arbre, un vénérable pipal dont le tronc était large comme une porte de temple, et dont les racines profondes semblaient parler un langage ancien.
Chaque jour, le yogi répétait ses Mantras, pratiquait ses Prāṇāyāma, ses Mudrā, observait le silence. Il restait là, immobile, des heures durant, observant son souffle, ses pensées, la lumière changeante du ciel. Il se nourrissait de fruits, de feuilles, d’eau claire. Il menait une vie simple, offerte à l’absolu.
Mais le doute, un jour, s’installa. Lentement, imperceptiblement, comme une brume qui monte depuis la vallée. Le yogi se surprit à penser : « Tout cela sert-il à quelque chose ? Le monde continue de tourner, les hommes de se battre, le temps de passer. Et moi, je suis là, assis sous un arbre. Qu’est-ce que je produis ? Que change ma pratique ? »
Il eut beau réciter encore plus de Mantras, maintenir ses postures plus longtemps, garder le silence plus profondément, le doute revenait toujours.
Un matin, à l’aube, il s’adressa à l’arbre, comme à un ami, comme à un témoin muet :
— Noble arbre, toi qui me vois depuis toutes ces années, dis-moi… ma pratique a-t-elle un sens ? Ne suis-je pas comme une pierre posée là, sans utilité ?
L’arbre, bien sûr, ne répondit pas. Il n’exprima rien. Il n’avait jamais dit un mot.
Mais ce jour-là, quelque chose frappa le regard du yogi. Il remarqua un détail qui lui avait échappé : au pied de l’arbre, là où il déposait chaque jour un peu d’eau et quelques pétales, une jeune pousse avait surgi. Un arbrisseau, issu sans doute de la graine d’un fruit tombé là, grandissait doucement à l’abri du vieux tronc. Et aux alentours, les oiseaux venaient nicher. Le sol semblait plus riche. La lumière filtrait autrement. La présence du yogi, silencieuse, invisible, avait tissé autour de lui un espace de paix.
Il comprit alors que la transformation ne se mesure pas toujours en résultats visibles. Elle se respire, elle se ressent, elle se transmet par la simple présence.
L’arbre, en silence, enseignait depuis toujours, en étant là, enraciné, disponible, vivant. Et c’était assez.
Le yogi sourit. Il baissa la tête en signe de gratitude. Puis il ferma les yeux, et reprit sa pratique, comme on reprend un chant qu’on connaît depuis toujours.
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